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par cissou6613 » mar. oct. 30, 2007 8:27 pm
Un peu de lecture
Discours de Michel Barnier
CONSEIL SUPERIEUR D’ORIENTATION DES POLITIQUES HALIEUTIQUE, AQUACOLE ET HALIOALIMENTAIRE
PARIS 30 OCTOBRE 2007
Monsieur le Président Dachicourt, Mesdames, Messieurs,
Je tiens à vous saluer toutes et tous dans la diversité de vos responsabilités et je tiens à vous remercier de votre
présence à ce conseil supérieur d’orientation des politiques halieutiques, aquacoles et halio-alimentaires.
Il s’agit du premier CSO depuis longtemps et c’est un moment très important.
Nous allons travailler ce matin ensemble au développement d’une pêche et d’une aquaculture durables
dans notre pays.
Je suis conscient de la crise que vous traversez. Je l’ai constaté lors de mes déplacements sur le littoral,
à Etaples il ya trois semaines et cet été sur la côte Atlantique.
Il nous faut relever ensemble le défi économique. La pêche est confrontée à de grandes difficultés, tant
structurelles que conjoncturelles.
C’est le sujet principal que nous évoquerons aujourd’hui, mais en ayant une vision de long terme. C’est pourquoi
je souhaite préalablement faire un point rapide avec vous sur deux éléments importants :
- les missions sur la réforme de la pêche et le développement de l’aquaculture
- le Grenelle de l’environnement qui vient de s’achever
Nous évoquerons aussi en fin de réunion la création du conseil prospectif de la pêche maritime.
Le contexte est très difficile pour les marins pêcheurs et les entreprises à 3 égards :
· La concurrence : le marché de la pêche européen est ouvert. Nos entreprises doivent faire face à la
concurrence de nos voisins mais aussi des autres pays du monde.
· La hausse du prix du gazole : c’est une donnée qui nous est imposée et contre laquelle nous devons
faire preuve d’imagination et d’audace
· Les conditions de rémunération des matelots. Il n’est pas acceptable que les marins subissent sur
leur feuille de salaire les conséquences de la hausse du prix du carburant
Il faut aider les entreprises à retrouver de la compétitivité et sécuriser les conditions d’emplois et de
rémunération des marins
Pour cela nous devons :
· soutenir les efforts que les entreprises consentent pour maintenir leur rentabilité.
· changer le système de rémunération à la part.
Des dispositifs de soutien sont en place. D’autres mesures, qu’elles viennent de l’Etat ou de la profession,
doivent être encouragées. Nous consacrerons l’essentiel de ce CSO à ces questions.
Néanmoins, deux autres défis doivent être relevés par le secteur. Ces défis sont dans la lettre de mission que
m’ont confiée le Président de la République et le Premier Ministre. Il s’agit des défis écologique (développement
d’une pêche et d’une aquaculture durables) et réglementaire (adapter la Politique Communautaire de la Pêche à
la diversité des situations géographiques et sociales des différentes pêcheries). Sur ce dernier point, je
travaillerai en étroite collaboration avec le Commissaire Joe BORG, qui est en charge de la pêche à la
Commission.
Nous consacrerons l’essentiel des débats aux problèmes structurels du secteur. L’ordre du jour du CSO
est :
1- les missions de réforme de la pêche et de développement de l’aquaculture
2- le Grenelle de l’environnement
3- les problèmes structurels
4- la création du conseil prospectif de la pêche maritime
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1- Les missions de réforme de la pêche et de développement de l’aquaculture
1.a- Lancement de la mission sur la réforme de la pêche
Cette mission est confiée à Monsieur Paul Roncière, Conseiller d’État, afin de procéder aux consultations
nécessaires pour élaborer, sans tabou, les propositions qui permettront d’assurer l’avenir de la profession et de
ce secteur d’activité.
Votre secteur, comme le reste de la société française, est confronté à de nouvelles réalités économiques,
sociales et environnementales. La pêche traverse une période de doute : tensions sur la ressource, coûts
de production élevés du fait du renchérissement du prix du gazole, resserrement de la réglementation
communautaire, notamment sur les contrôles.
Pour autant, la pêche est un secteur d’activité essentiel économiquement, socialement et culturellement
pour l’équilibre des territoires français.
Elle doit s’engager résolument dans une politique durable tant du point de vue des ressources qu’elle
exploite que de celui des bénéfices socio-économiques qu’elle retire de ce bien commun.
Je crois que l’ensemble des acteurs de la filière partage un même diagnostic : les structures, les institutions,
les procédures actuelles ne sont plus adaptées.
C’est pourquoi, nous avons identifié trois sujets qui nous paraissent stratégiques : l’organisation
professionnelle, les modalités d’accès à la ressource et le contrôle.
· L’organisation professionnelle doit se réformer pour gagner en simplicité, en efficacité, et s’adapter ainsi
aux nouvelles réalités économiques et sociales de notre pays et de l’Union européenne.
· Concernant les modalités d’accès à la ressource, des progrès significatifs ont été enregistrés en
décembre 2006, avec l’adoption de textes réglementaires sur les modalités de répartition des quotas et des
autorisations de pêche. Néanmoins, le dispositif doit encore gagner en clarté, en simplicité et en
cohérence. C’est dans ce sens que je souhaite que des propositions me soient faites.
· Enfin, concernant le contrôle, notre système s’est considérablement renforcé ces deux dernières années.
Il convient sans doute de faire le point sur notre dispositif, le rendre plus efficace et équitable, y compris à
l’échelle communautaire. En particulier, nous devons amplifier nos efforts de lutte contre la pêche illégale.
Je souhaite que la mission que réalisera M. Roncière soit l’occasion d’une très large concertation avec tous les
acteurs : le monde de la pêche maritime, mais aussi les élus, les scientifiques, les organisations non
gouvernementales. La mission devra également prendre bien en compte, sur chaque sujet, la dimension
européenne. Il ne peut pas s’agir d’un exercice franco-français.
1.b- Lancement de la mission interministérielle sur le développement de l’aquaculture
Cette mission interministérielle (MAP/MEDAD) sur l’aquaculture en France est confiée à Madame Hélène
Tanguy et s’inscrit dans une dynamique communautaire. Elle vise à faire émerger les pistes permettant au
secteur de l’aquaculture français de se développer sur le plan économique, de façon durable et responsable.
La production aquacole augmente régulièrement dans le monde et dans certains pays européens. Force est de
constater que ce n’est pas le cas en France.
Le secteur aquacole français a largement démontré ses capacités de production et ses potentialités. Son
savoir-faire, la performance de sa technologie et la qualité de ses produits sont largement reconnus.
Pourtant, la production se maintient et les exploitations sont confrontées à des difficultés importantes, telles
que les conflits d’usage sur le littoral, ou à des contraintes environnementales.
Le développement économique du secteur aquacole français doit être une priorité.
Cette priorité est affirmée dans le Plan Stratégique National élaboré dans le cadre du nouveau Fonds
Européen pour la Pêche (FEP). Au niveau communautaire, l’aquaculture sera un des thèmes que portera la
France à l’occasion de sa présidence. Je sais que la Commission européenne manifeste également la volonté
qu’une nouvelle dynamique soit engagée en faveur de ce secteur.
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Dans ce contexte et afin de dégager les pistes permettant de relancer le développement d’une aquaculture
française durable et responsable, j’ai souhaité, avec mon collègue Jean-Louis Borloo, confier à Mme Hélène
Tanguy une mission interministérielle sur ce sujet. Mme Tanguy associera à ses travaux de nombreux
interlocuteurs : professionnels, administrations, collectivités locales, structures de recherche, structures
intéressées par la protection de l’environnement, usagers du littoral, consommateurs et grande distribution. Elle
s’intéressera aux expériences intéressantes menées à l’étranger.
2.- Grenelle de l’environnement
Le Grenelle de l’environnement qui vient de s’achever a conduit à l’adoption d’un certain nombre de mesures
visant à une meilleure gestion de la mer et du littoral.
Un paquet de mesures très positives incite à l’amélioration de la qualité de l’environnement marin avec,
notamment, la réduction et la prévention de la pollution continentale ou encore la collecte des déchets
flottants, et ambitionne d’éradiquer la pêche illégale des eaux françaises.
D’autres mesures offriront des perspectives d’une meilleure valorisation des produits de la pêche. Je pense
en particulier à la mise en place d’un éco-label en 2008.
Enfin, un troisième groupe de mesures exigera votre plein engagement pour les rendre positives et
compatibles avec vos activités : je pense notamment à la mise en place d’un réseau d’aires marines
protégées ou à la gestion concertée par écosystème.
En l’occurrence, ces mesures ne se réaliseront pas sans vous : il est bien clair pour tout le monde que les
pêcheurs seront étroitement associés à leur mise en oeuvre et devront être proactifs, force de proposition
pour que ces nouvelles initiatives soient vécues davantage comme de nouvelles opportunités que comme de
nouvelles contraintes.
3.- Problèmes structurels de la pêche.
Je sais les difficultés que connaissent vos entreprises face à l’augmentation continue du prix du gazole.
L’État a consenti ces dernières années un effort considérable en versant plusieurs aides au fonds de
prévention pour les aléas à la pêche (FPAP). Plus de 89 millions d’euros ont été versés.
Au regard des lignes directrices des aides d’État il n’est pas possible de reconduire ces aides au
fonctionnement des entreprises. De plus, de telles aides n’incitent nullement les pêcheurs à réviser leurs
pratiques ou à faire évoluer leurs techniques.
Face à la situation actuelle, plusieurs réponses structurelles peuvent être apportées :
1- plans de sauvetage et de restructuration, ce dispositif est essentiel car il doit permettre à vos
entreprises de s’adapter à la nouvelle donne énergétique.
La phase d’audit et de sauvetage est maintenant derrière nous, et la phase de restructuration doit désormais
intervenir.
.
Vous trouverez dans votre dossier le vade-mecum pour la réalisation des plans de restructuration.
Ce document explique les modalités pratiques de leur élaboration.
Vous avez la possibilité d’apporter à la DPMA vos ultimes observations et vous pouvez dès maintenant
déposer vos plans qui seront étudiés sans délai au niveau des Directions régionales des Affaires maritimes.
2- plans de sorties de flotte, ceux-ci vont être signés très prochainement. Le montant total est de 25,5
M€.
Il y a deux plans spécifiques qui répondent aux problématiques particulières de l’anchois (3,5 millions
d’euros) et de la thonaille (3 millions d’euros). Il y a par ailleurs un plan général (19 millions d’euros).
Les plans de sortie de flotte, dans le cadre du FEP, doivent contribuer à atteindre l’équilibre entre les
flottes et les ressources.
C’est pourquoi la proposition qui vous a été faite, et que vous avez pu examiner dans le cadre de deux
réunions du CNPMEM, cible les flottilles qui exploitent les stocks les plus fragilisés ou les quotas en
situation de dépassement structurel.
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Pour autant, à l’intérieur de chaque flottille, la priorité sera donnée aux navires en difficulté économique
afin de prendre en compte cette dimension qui est, du point du vue du chef d’entreprise, la motivation première
du recours au plan de sortie de flotte.
Nous prendrons en compte les situations économiques particulières dans le cadre d’un avenant.
Vous avez pu déjà formuler des observations sur le ciblage ou les critères, qui seront prises en compte.
Certains aspects de prise en compte des navires en difficulté doivent être précisés.
La DPMA procèdera aux consultations adéquates en novembre, pour régler ce volet. Dans l’attente, il est
urgent de procéder à la publication des plans de sortie de flotte, pour préserver nos possibilités d’engagement
des enveloppes correspondantes. La prise en compte des ultérieur.
3- Pour répondre aux graves difficultés que vous rencontrez je vous propose de mettre en oeuvre un certain
nombre de mesures dès maintenant au bénéfice des marins et des armements :
- Le report pendant d’un trimestre du paiement cotisations patronales. Je demanderai en réunion
interministérielle que ce report soit élargi à deux trimestres.
- Un abondement de la caisse chômage intempérie de 1,5 millions d’euros. Cet abondement a déjà
été versé au CNPMEM.
- Nous vous confirmons le report du remboursement des avances perçues dans le cadre du plan de
sauvegarde et de restructuration.
- Nous agirons auprès des collectivités locales pour que vous puissiez bénéficier d’un allègement voire
d’une exonération des charges portuaires.
- Sur le régime d’assurance chômage des marins, nous souhaitons son harmonisation avec le
régime de droit commun. Et nous avons demandé que des travaux soient engagés avec les services
du MEDAD.
- Nous mettrons en place un mécanisme de réduction des intérêts d’emprunts au bénéfice des jeunes
patrons pêcheurs qui s’installent (à l’instar de ce qui existe pour les jeunes agriculteurs dans le cadre
du Fonds d’allègement des charges).
- Le gazole ne doit pas peser plus en négatif sur le salaire des hommes d’équipage. Nous devons
travailler tous ensemble sur ce sujet qui est capital pour rééquilibrer les charges au sein des
entreprises de pêche. Je voudrais lancer un chantier concernant un mécanisme assurantiel qui
pourrait permettre de garantir un revenu minimum aux équipages.
En effet, le système de la rémunération à la part, expose les équipages à des revenus très faibles en
périodes de prix bas ou de coûts élevés (comme c’est le cas actuellement). Aussi il nous paraît urgent de
réfléchir aux modalités de mise en place d’un tel dispositif
Je souhaite ajouter des éléments de réponse aux questions plus précises m’ont été posées par le comité
local des pêches du Guilvinec :
- Sur la question des contrôles : nous sommes attachés à ce que les contrôles ne gênent pas la bonne
marche des entreprises. Ils doivent être efficaces et avoir lieu au bon moment. C’est pourquoi j’ai
donné des instructions pour qu’ils soient concentrés à terre en ce qui concerne les navires côtiers.
- Sur la question des chaluts : je partage les préoccupations exprimées par les professionnels et j’ai
donné des instructions pour que les services des affaires maritimes s’assurent de la conformité
des engins de pêche vendus.
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- Je rejoins les professionnels qui veulent s’engager pour diminuer la consommation de carburant et
envisager de nouvelles sources d’énergie. Vous me trouverez à vos côtés dans ces projets
novateurs.
- L’utilisation de la TVA sur les produits de la pêche pour alléger les charges qui pèsent sur les
entreprises a été étudiée en détail par mes services. Ce projet fait l’objet, vous le savez, d’une étude
plus approfondie du gouvernement.
4.- Création du conseil prospectif de la pêche maritime.
Il y a une nécessité pour la pêche de moderniser ses outils, pour l’adapter aux réalités nouvelles de la
société française et européenne. Ce constat inclut également le processus d’élaboration des politiques
publiques. Nous croyons nécessaire, en particulier, d’ouvrir le dialogue et la concertation à d’autres acteurs.
La mise en oeuvre d’une politique des pêches ambitieuse implique nécessairement des mutations du secteur en
profondeur et des investissements souvent lourds.
La prise de risque est donc considérable tant pour les acteurs à titre individuel que pour la collectivité, qui
accompagne ces mutations. La société civile attend de nous davantage de transparence et d’ouverture sur
les choix stratégiques opérés par la France en matière de pêche.
A cet égard, nous souhaitons créer un Conseil de prospective et de stratégie des pêches maritimes.
L’éclairage des politiques publiques en matière de pêche qu’il pourra nous apporter s’inscrit dans l’esprit du
Grenelle de l’environnement et permettra une gouvernance renouvelée de ce secteur.
Le CPSPM sera notamment chargé de proposer des plans pluriannuels définis par pêcherie (par exemple,
le thon tropical, le thon rouge, la coquille Saint Jacques) ou par façade, en tenant compte bien
évidemment, à chaque fois, du cadre communautaire ou international dans lequel ces pêcheries sont gérées.
Ce Conseil travaillera sur la base de quelques grands objectifs stratégiques :
- l’objectif de gestion des ressources au rendement maximum durable pour chaque stock,
- la réduction de la facture énergétique,
- la meilleure valorisation des produits, du point de vue de la qualité du poisson et des perspectives de
marché,
- la prise en compte des quotas disponibles et les nouvelles répartitions que pourraient engendrer
les changements de techniques de pêches.
Il n’aura évidemment pas vocation à travailler constamment en formation plénière : des groupes de travail seront
formés pour élaborer les propositions du CPSPM.
Nous souhaitons également que le CPSPM nous propose des orientations pour la recherche et les
investissements et qu’il identifie les financements et subventions nécessaires afin d’aider à la
reconversion.
La composition du CPSPM doit refléter la volonté d’ouverture de ce secteur. Au-delà des acteurs traditionnels, il
sera donc ouvert à des personnalités qualifiées extérieures à la représentation professionnelle, en particulier
du monde scientifique, des ONG et des élus.
Enfin votre dossier comporte un projet d’arrêté. Nous voudrions publier ce texte avant la fin de l’année, afin
que le CPSPM puisse être constitué et se réunir dès le début de 2008. Pour cela, nous souhaiterions que vous
fassiez part au Directeur des pêches de vos commentaires sur cet arrêté avant la fin du mois de novembre.