Les marches du destin (1)
Publié : sam. oct. 20, 2007 7:47 pm
Presque en Italie, un coin de riviéra accueille des promeneurs en goguette depuis des décennies. A 19 ans, mon père y demanda la main à ma mère. Elle en vomit instantanément d’émotion.
Mon destin démarrait. A 600 mètres de là, ce dernier m’a gratifié de deux miracles.
Loin de cette dolce vita, la mort rode en effet. Le fond descend de 29 m à 36/40 en longues marches dénudées, de 2/3 mètres de haut : un paradis pour les prédateurs faits à la chasse sur les plateaux. Une porte de l’enfer pour les jeunes chasseurs.
Nous sommes en septembre 1991, je suis emmené sur ce coin par un des plus grands chasseurs européens de cette époque : J-P E.
Première demi-coulée : une gelée de sar enveloppe vingt dentis, qui encadrent des daurades énormes.
Demi coulée suivante. L’inconnu, l’émotion et la profondeur m’empêchent de me projeter dans une action en bas et je ne fais que contempler un mérou d’un vingtaine de kilos qui démarre pour s’enraguer dans une marche.
« C’est fini », lache le maître à ma remontée, inquiet de l’arrivée d’autres chasseurs dans la direction de ce coin. On part.
Deux jours plus tard, je replonge sur la zone avec mon autre père spirituel : P-A D. Il connaît les terres de JP et à ma description téléphonique des « peï », il a fait le rapprochement.
Nous sommes dans une configuration classique de pêche au mérou. C’est le dernier été où elle est autorisée mais nous l’ignorons encore. Les demi-coulées se suivent afin de trouver un mérou décider à se faire approcher. Les dentis et les daurades ont fui dès les premiers survols de ce décor lunaire. Plus de 25 m de visi : quand le collègue disparaît, on peut entamer un petite demi-coulée et on profite aussi de l’action de chasse. Je vois P A tirer et sortir un petit mérou.
Pour ma part, je finis par localiser un dôme (en fait une circonvolution plus marquée d’une marche) avec les ombres fuselées de trois/quatre mérous. P-A descend avec mon 130 (la pêche au mérou entraînait alors des réflexes de pêches collectifs qui ont disparu avec le monopole technique actuel de l’agachon). En demi-coulée de surveillance (protocole d’apnée), je le vois qui s’approche… et qui tire le plus gros. Le fil nylon de pêche, en double longueur, dispositif relativement nouveau à l’époque, glisse plus que la tresse dont il a l’habitude. Sans ferrage donc, le mérou s’enfile dans un tunnel de madrépore en bas du dôme.
Galère prévisible. Organisation du chef : Balisage du coin, largable. Je le double (« dans le cœur », on dit des conneries quand on est jeune …) Quoiqu’il en soit les apnées se succèdent à tirer sur le fil, à tenter de le bouger en prenant appui sur la flèche. Rien à faire.
Je décide d’en finir. Je me ventile longuement, trop longuement. J’ai l’impression d’être gonflé à bloc. Au fond, je tire comme une mule. Plus de souvenir après.
Laissons la parole à P A : « Je me disais, putain, quelle apnée. Je me décide à aller voir en demi-coulée . Et je t’aperçois en train de décoller du fond. Quelques coups de palmes, puis tu t’immobilises, les bras en croix. Je te rejoins, tu es en syncope. En te remontant (de 20 m, chapeau P.A), j’entends CLOC CLOC »
C’est le réflexe ventilatoire, j’inhale l’eau de mer et commence à me noyer.
J’arrive à la surface, reprend conscience et je crache. Je comprends, j’ai honte. Sans lui, en poids neutre sur 20/25 m, je serai mort. Sur le bateau, épuisé, je verrai arriver JP E et Tt qui seront plus intéressés par ma traîtrise que par mes mésaventures.
La sensation pendant la syncope est le même qu’en syncope vagale, dont j’ai été victime plus d’un fois : on rêve. Le réveil est horrible. La diable sait t’accueillir.
En définitive, la largable, le balisage, l’eau claire nous ont autorisés à tenter le diable : travailler plus de 2 heures un mérou à 34 m de fond.
15 jours après nous retournerons sur le coin et j’en ferai un autre. Action de pêche magnifique et qui marque encore aujourd’hui mes visions de mérou de nostalgie frustrée.
Plus de 10 ans plus tard, sur les dentis, les marches du destin me feront aussi voir les portes de l’enfer, mais je serai devenu alors le sauveteur.
Mon destin démarrait. A 600 mètres de là, ce dernier m’a gratifié de deux miracles.
Loin de cette dolce vita, la mort rode en effet. Le fond descend de 29 m à 36/40 en longues marches dénudées, de 2/3 mètres de haut : un paradis pour les prédateurs faits à la chasse sur les plateaux. Une porte de l’enfer pour les jeunes chasseurs.
Nous sommes en septembre 1991, je suis emmené sur ce coin par un des plus grands chasseurs européens de cette époque : J-P E.
Première demi-coulée : une gelée de sar enveloppe vingt dentis, qui encadrent des daurades énormes.
Demi coulée suivante. L’inconnu, l’émotion et la profondeur m’empêchent de me projeter dans une action en bas et je ne fais que contempler un mérou d’un vingtaine de kilos qui démarre pour s’enraguer dans une marche.
« C’est fini », lache le maître à ma remontée, inquiet de l’arrivée d’autres chasseurs dans la direction de ce coin. On part.
Deux jours plus tard, je replonge sur la zone avec mon autre père spirituel : P-A D. Il connaît les terres de JP et à ma description téléphonique des « peï », il a fait le rapprochement.
Nous sommes dans une configuration classique de pêche au mérou. C’est le dernier été où elle est autorisée mais nous l’ignorons encore. Les demi-coulées se suivent afin de trouver un mérou décider à se faire approcher. Les dentis et les daurades ont fui dès les premiers survols de ce décor lunaire. Plus de 25 m de visi : quand le collègue disparaît, on peut entamer un petite demi-coulée et on profite aussi de l’action de chasse. Je vois P A tirer et sortir un petit mérou.
Pour ma part, je finis par localiser un dôme (en fait une circonvolution plus marquée d’une marche) avec les ombres fuselées de trois/quatre mérous. P-A descend avec mon 130 (la pêche au mérou entraînait alors des réflexes de pêches collectifs qui ont disparu avec le monopole technique actuel de l’agachon). En demi-coulée de surveillance (protocole d’apnée), je le vois qui s’approche… et qui tire le plus gros. Le fil nylon de pêche, en double longueur, dispositif relativement nouveau à l’époque, glisse plus que la tresse dont il a l’habitude. Sans ferrage donc, le mérou s’enfile dans un tunnel de madrépore en bas du dôme.
Galère prévisible. Organisation du chef : Balisage du coin, largable. Je le double (« dans le cœur », on dit des conneries quand on est jeune …) Quoiqu’il en soit les apnées se succèdent à tirer sur le fil, à tenter de le bouger en prenant appui sur la flèche. Rien à faire.
Je décide d’en finir. Je me ventile longuement, trop longuement. J’ai l’impression d’être gonflé à bloc. Au fond, je tire comme une mule. Plus de souvenir après.
Laissons la parole à P A : « Je me disais, putain, quelle apnée. Je me décide à aller voir en demi-coulée . Et je t’aperçois en train de décoller du fond. Quelques coups de palmes, puis tu t’immobilises, les bras en croix. Je te rejoins, tu es en syncope. En te remontant (de 20 m, chapeau P.A), j’entends CLOC CLOC »
C’est le réflexe ventilatoire, j’inhale l’eau de mer et commence à me noyer.
J’arrive à la surface, reprend conscience et je crache. Je comprends, j’ai honte. Sans lui, en poids neutre sur 20/25 m, je serai mort. Sur le bateau, épuisé, je verrai arriver JP E et Tt qui seront plus intéressés par ma traîtrise que par mes mésaventures.
La sensation pendant la syncope est le même qu’en syncope vagale, dont j’ai été victime plus d’un fois : on rêve. Le réveil est horrible. La diable sait t’accueillir.
En définitive, la largable, le balisage, l’eau claire nous ont autorisés à tenter le diable : travailler plus de 2 heures un mérou à 34 m de fond.
15 jours après nous retournerons sur le coin et j’en ferai un autre. Action de pêche magnifique et qui marque encore aujourd’hui mes visions de mérou de nostalgie frustrée.
Plus de 10 ans plus tard, sur les dentis, les marches du destin me feront aussi voir les portes de l’enfer, mais je serai devenu alors le sauveteur.