Souvenir d’autrefois…
Modérateur : Modo's
- pintade
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Souvenir d’autrefois…
il y a plusieurs mois, avec Rataxes nous avions travaillé sur un projet qui nous tenait à cœur : essayer de faire The CR.
Après un début prometteur ou l’euphorie était omni présente, la vie a repris le dessus. Voici donc nos dernières élucubrations
Le concerto de la Brocouille, ou « le Rata et les Sortilèges »
***
J’ai pourtant tout tenté.
Le crescendo, après un instant de suspension, reprend et déchire, d’un long cri de soprane, le paravent de ma désolation : tout en moi m’abandonne, fuit, et semble renoncer – aurai-je la force de surmonter tant d’épreuves et de doutes ?
Des signes avant-coureurs auraient dû m’alerter. J’aurais dû comprendre, depuis le début, ce lent glissement du destin.
Epuisé, désarmé, le chœur ne tremble plus. Et ce n’est plus le chant, c’est le silence qui se prolonge dans les ténèbres. Tout, soudain, voudrait s’éteindre avec cette défaite. Mais, plus fragile qu’un pétale fané porté par la brise, la voix d’une enfant relève le drapeau, et redonne un nom, un visage, un corps, au désir de vivre. Pourtant, l’heure n’est pas encore venue.
Je me souviens de la première fois. A l’automne dernier. Je m’étais dissimulé le trouble d’un tel événement. Parfois, la malchance nous rassure !
Mais aujourd’hui je ne le sais que trop bien : les inconstances de la chance n’y étaient pour rien. Une force plus terrible, obscure, venait de me marquer de son premier fer. Je ne m’appartenais déjà plus.
Dans le deuxième mouvement, moins lyrique, le chœur cherche un appui à sa résignation. Entremêlées, les voix se dispersent confusément et s’épuisent, sans soutien ni unité.
La deuxième fois, j’ai cru devoir agir par moi-même, en procédant à toutes sortes d’artifices, pour me prémunir contre de nouveaux échecs. Mais on ne triche pas avec ces puissances-là. Peu à peu, j’ai dû me rendre à l’évidence : seul, la défaite n’était plus seulement probable, elle devenait certaine.
Il me fallait trouver le secours d’un mage exorciste, d’un grand maître des sortilèges, capable d’affronter avec moi l’assaut des puissances de l’ombre.
Bien sûr, j’ai d’abord cherché localement, j’ai consulté toutes sortes de rebouteux, féticheurs, nécromanciens, devins, charlatans, marabouts, astrologues… Mais ces gens, on le sait bien, ne sont que des profanes… comment leur expliquer l’essence même de notre quête de la pure vacuité transcendante ultradimensionelle et polycosmique, quand eux-mêmes ne savent embrasser que les mains du diable ?
Je pressentais dès l’origine qu’aucun ne saurait me sauver, ni même comprendre la nature de cette malédiction d’un autre ordre. Cela, en effet, ne relevait plus désormais d’aucune mesure humaine.
Le troisième et dernier mouvement annonce le rassemblement des dernières forces. Après les premières mesures comme en écho à la confusion du mouvement précédent, le chœur converge vers une seule voix. La détermination du rythme rappelle celle des esprits, et conduit l’ensemble vers un seul but. Mais, dans un crescendo final, la tonalité majeure, décidée, passe étrangement en mineur : en effet, les dernières forces jetées en avant, cette folie désespérée ne semble annoncer qu’une fin plus précoce, et pressentie. Le mouvement se termine brutalement, sans solution, abandonnant chacun à son incertitude.
Où LE trouver ? Où trouver cet être supérieur, capable de m’arracher aux mains de l’infortune et de la malédiction ? Qui serait celui qui, me prenant sous son aile, saurait intercéder pour moi auprès des grands esprits de l’invisible et de l’insaisissable ?
Je n’ai pas longtemps cherché cet oiseau rare. Mais dois-je aujourd’hui considérer la réussite rapide de mes recherches comme un signe supplémentaire de ma déchéance ? Je n’oserais le dire. Cependant…
Par hasard, ouvrant pour la énième fois le traité sur le néant de Saint Jean du Madrépore l’ancien (manuscrit original par ses treize disciples), celui-là même, on s’en souvient, qui m’avait permis de faire mes premiers pas dans la voie nouvelle que je m’étais choisie ; par hasard, donc, je suis tombé sur cet étrange marque-page :
Après un début prometteur ou l’euphorie était omni présente, la vie a repris le dessus. Voici donc nos dernières élucubrations
Le concerto de la Brocouille, ou « le Rata et les Sortilèges »
***
J’ai pourtant tout tenté.
Le crescendo, après un instant de suspension, reprend et déchire, d’un long cri de soprane, le paravent de ma désolation : tout en moi m’abandonne, fuit, et semble renoncer – aurai-je la force de surmonter tant d’épreuves et de doutes ?
Des signes avant-coureurs auraient dû m’alerter. J’aurais dû comprendre, depuis le début, ce lent glissement du destin.
Epuisé, désarmé, le chœur ne tremble plus. Et ce n’est plus le chant, c’est le silence qui se prolonge dans les ténèbres. Tout, soudain, voudrait s’éteindre avec cette défaite. Mais, plus fragile qu’un pétale fané porté par la brise, la voix d’une enfant relève le drapeau, et redonne un nom, un visage, un corps, au désir de vivre. Pourtant, l’heure n’est pas encore venue.
Je me souviens de la première fois. A l’automne dernier. Je m’étais dissimulé le trouble d’un tel événement. Parfois, la malchance nous rassure !
Mais aujourd’hui je ne le sais que trop bien : les inconstances de la chance n’y étaient pour rien. Une force plus terrible, obscure, venait de me marquer de son premier fer. Je ne m’appartenais déjà plus.
Dans le deuxième mouvement, moins lyrique, le chœur cherche un appui à sa résignation. Entremêlées, les voix se dispersent confusément et s’épuisent, sans soutien ni unité.
La deuxième fois, j’ai cru devoir agir par moi-même, en procédant à toutes sortes d’artifices, pour me prémunir contre de nouveaux échecs. Mais on ne triche pas avec ces puissances-là. Peu à peu, j’ai dû me rendre à l’évidence : seul, la défaite n’était plus seulement probable, elle devenait certaine.
Il me fallait trouver le secours d’un mage exorciste, d’un grand maître des sortilèges, capable d’affronter avec moi l’assaut des puissances de l’ombre.
Bien sûr, j’ai d’abord cherché localement, j’ai consulté toutes sortes de rebouteux, féticheurs, nécromanciens, devins, charlatans, marabouts, astrologues… Mais ces gens, on le sait bien, ne sont que des profanes… comment leur expliquer l’essence même de notre quête de la pure vacuité transcendante ultradimensionelle et polycosmique, quand eux-mêmes ne savent embrasser que les mains du diable ?
Je pressentais dès l’origine qu’aucun ne saurait me sauver, ni même comprendre la nature de cette malédiction d’un autre ordre. Cela, en effet, ne relevait plus désormais d’aucune mesure humaine.
Le troisième et dernier mouvement annonce le rassemblement des dernières forces. Après les premières mesures comme en écho à la confusion du mouvement précédent, le chœur converge vers une seule voix. La détermination du rythme rappelle celle des esprits, et conduit l’ensemble vers un seul but. Mais, dans un crescendo final, la tonalité majeure, décidée, passe étrangement en mineur : en effet, les dernières forces jetées en avant, cette folie désespérée ne semble annoncer qu’une fin plus précoce, et pressentie. Le mouvement se termine brutalement, sans solution, abandonnant chacun à son incertitude.
Où LE trouver ? Où trouver cet être supérieur, capable de m’arracher aux mains de l’infortune et de la malédiction ? Qui serait celui qui, me prenant sous son aile, saurait intercéder pour moi auprès des grands esprits de l’invisible et de l’insaisissable ?
Je n’ai pas longtemps cherché cet oiseau rare. Mais dois-je aujourd’hui considérer la réussite rapide de mes recherches comme un signe supplémentaire de ma déchéance ? Je n’oserais le dire. Cependant…
Par hasard, ouvrant pour la énième fois le traité sur le néant de Saint Jean du Madrépore l’ancien (manuscrit original par ses treize disciples), celui-là même, on s’en souvient, qui m’avait permis de faire mes premiers pas dans la voie nouvelle que je m’étais choisie ; par hasard, donc, je suis tombé sur cet étrange marque-page :
On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui
- Orca
- Equipe des Modos
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- Inscription : dim. avr. 17, 2005 3:25 am
- Localisation : Jamais très loin de la Mer...
Alors là les gars préparez vous à THE POSTE!!! Pintade et Ratachouette nous prépare un truc E-NOR-ME à n'en pas douter vu comme ça part... et ça ne fait que commencer...
Nos deux Muses reprennent du service... ça va saigner et j'en jubile d'avance...
P.S: Ma poule, tu peux pas savoir comme ça fait plaisir de te revoir sur le forum
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P.S: Ma poule, tu peux pas savoir comme ça fait plaisir de te revoir sur le forum
- poulpe
- Flèche de platine
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- Inscription : jeu. sept. 09, 2004 9:57 pm
- Localisation : la ciotat et marseille
c est vrai que l absence du volatile commencer a se faire longue mais c est le temps des migrations
cule ça commence fort ce cr
cule ça commence fort ce cr
la peche est un dur combat....contre la sieste http://www.flickr.com/photos/enzodemarseille/
Ouai!!! et si ca pouvait se généraliser sur le forum ca serait que du bonheur!Orca a écrit :
Nos deux Muses reprennent du service... ça va saigner et j'en jubile d'avance...
P.S: Ma poule, tu peux pas savoir comme ça fait plaisir de te revoir sur le forum
"Ceux qui sont touchés par cette musique l'entendront toujours dans leur coeur, et la nostalgie de la mer ne les quittera jamais."
J.R.R TOLKIEN
J.R.R TOLKIEN
- pintade
- Didiot à plumes
- Messages : 576
- Inscription : jeu. oct. 09, 2003 3:28 pm
- Localisation : dans le même département que le Dabe
Maître Dr Pintade
Grand sorcier-guérisseur unique et pûr, mondialement connut à Петропавловск-Камчатск, à Владивосток, et devant sa porte.
Viens de rentrer d’Afrique.
Spécialiste traiteur pour tous les cas difficile.
Homme Bio Énergétique relié au comsos et à l’eau-delà, il ne pense pas comme vous, il ne vie pas comme vous. Très très fort fort, il est diplômé de toutes les rélfexions désespérés où qui paraissent irréalisables.
Le plus grand marabout des mers. Dons hérités de père en fils depuis 13 générations. Diplômé de la grande école de la grande fôret de l’ouest.
Pouvoir infaible. Résout dans les 3 jours tous vos problèmes, même ceux que vous ne voyez pas ! Aide à retrouver l’impuissance sexuelle, facilite la perte de ton travail, l’échec dans les examens, le départ de l’être aimé, maladies grâves, affection avec des filles et les garçons, il peut faire maigrir une personne maigre et inversement, faillite, etc. :
garanti tout le retour de la brocouille sans douleur.
Cet homme éttonnant va vous éttonner.
Travail sérieux, surprenant, rapide.
Discrétion assuré
Peut travailler aussi par correspondance.
Dr Pintade
69 impasse de la Brocouille
00000 Raguevide
J’ai entrepris de lui écrire.
Voici donc notre correspondance. Elle témoigne du destin d’un homme abandonné par les forces supérieures de la Brocouille.
Méditez, et craignez pour vous le même sort.
___________________________
Cher Dr Pintade,
Je vous écris pour solliciter votre grand pouvoir. Vous êtes mon ultime espoir.
Voici bientôt trois mois que la brocouille m’a quitté.
Après une initiation de plus de deux ans et demi, je suis venu échouer sur ces rivages tropicaux en quête d’une brocouille plus exigeante, plus pure, plus ardente. J’avais décidé d’accomplir ma « grande brocouille », afin de pouvoir moi-même commencer à initier de nouveaux adeptes.
Hélas, semaine après semaine, je n’en peux qu’observer les effets : je ne sais par quel maléfice je sombre entre les mains de puissances nauséabondes et pêcheresses. Semaine après semaine, de nouveaux poissons viennent mourir, bien malgré moi, sur ma flèche. Semaine après semaine, je perds la saveur de la brocouille, ma mémoire est affaiblie par ces drogues soudaines et répétitives.
Or, vous le savez comme moi, la brocouille n’est pas seulement cette merveilleuse force qui redonne au monde et à l’âme les couleurs de leur virginité originelle, c’est également la grande force inspiratrice, sans laquelle il ne m’est point de CR possible.
Car, oui, je dois le reconnaître : je perds le goût d’écrire, depuis que je mange du poisson. Et je crains que les poissons de cette mer n’aient une chair bien plus violente que ceux de vos paisibles latitudes.
Même si je ne doute pas que, par vos pouvoirs surnaturels, vous soyez en mesure de connaître mon histoire avant que je ne vous la raconte, afin de m’aider moi-même à mieux « faire le point », je vais tenter de vous faire un bref résumé des épisodes précédents.
Grand sorcier-guérisseur unique et pûr, mondialement connut à Петропавловск-Камчатск, à Владивосток, et devant sa porte.
Viens de rentrer d’Afrique.
Spécialiste traiteur pour tous les cas difficile.
Homme Bio Énergétique relié au comsos et à l’eau-delà, il ne pense pas comme vous, il ne vie pas comme vous. Très très fort fort, il est diplômé de toutes les rélfexions désespérés où qui paraissent irréalisables.
Le plus grand marabout des mers. Dons hérités de père en fils depuis 13 générations. Diplômé de la grande école de la grande fôret de l’ouest.
Pouvoir infaible. Résout dans les 3 jours tous vos problèmes, même ceux que vous ne voyez pas ! Aide à retrouver l’impuissance sexuelle, facilite la perte de ton travail, l’échec dans les examens, le départ de l’être aimé, maladies grâves, affection avec des filles et les garçons, il peut faire maigrir une personne maigre et inversement, faillite, etc. :
garanti tout le retour de la brocouille sans douleur.
Cet homme éttonnant va vous éttonner.
Travail sérieux, surprenant, rapide.
Discrétion assuré
Peut travailler aussi par correspondance.
Dr Pintade
69 impasse de la Brocouille
00000 Raguevide
J’ai entrepris de lui écrire.
Voici donc notre correspondance. Elle témoigne du destin d’un homme abandonné par les forces supérieures de la Brocouille.
Méditez, et craignez pour vous le même sort.
___________________________
Cher Dr Pintade,
Je vous écris pour solliciter votre grand pouvoir. Vous êtes mon ultime espoir.
Voici bientôt trois mois que la brocouille m’a quitté.
Après une initiation de plus de deux ans et demi, je suis venu échouer sur ces rivages tropicaux en quête d’une brocouille plus exigeante, plus pure, plus ardente. J’avais décidé d’accomplir ma « grande brocouille », afin de pouvoir moi-même commencer à initier de nouveaux adeptes.
Hélas, semaine après semaine, je n’en peux qu’observer les effets : je ne sais par quel maléfice je sombre entre les mains de puissances nauséabondes et pêcheresses. Semaine après semaine, de nouveaux poissons viennent mourir, bien malgré moi, sur ma flèche. Semaine après semaine, je perds la saveur de la brocouille, ma mémoire est affaiblie par ces drogues soudaines et répétitives.
Or, vous le savez comme moi, la brocouille n’est pas seulement cette merveilleuse force qui redonne au monde et à l’âme les couleurs de leur virginité originelle, c’est également la grande force inspiratrice, sans laquelle il ne m’est point de CR possible.
Car, oui, je dois le reconnaître : je perds le goût d’écrire, depuis que je mange du poisson. Et je crains que les poissons de cette mer n’aient une chair bien plus violente que ceux de vos paisibles latitudes.
Même si je ne doute pas que, par vos pouvoirs surnaturels, vous soyez en mesure de connaître mon histoire avant que je ne vous la raconte, afin de m’aider moi-même à mieux « faire le point », je vais tenter de vous faire un bref résumé des épisodes précédents.
On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui
t'as essayé avec jaffar? nan parceque moi depuis cet été chaque fois que je vois la mer, il me lache plus hein...entre le tps, la visi, la perte d'objets précieux et l'absences de poissons...tu devrais y trouver ton bonheur...
"Ceux qui sont touchés par cette musique l'entendront toujours dans leur coeur, et la nostalgie de la mer ne les quittera jamais."
J.R.R TOLKIEN
J.R.R TOLKIEN
Tu pourrais prévenir, avant de balancer not' vieux CR... je réfléchissais justement à la possibilité de me remettre au boulot... D'autant que j'ai une ou deux photos récentes à ajouter.
Heureusement que j'ai eu l'idée saugrenue de venir faire un tour sur spearboy... alors que ça doit bien faire au moins trois mois que j'y avais pas mis les pieds (voir plus encore...).
Bon. Pintounet, on reprend par mail. Mais donne-moi (donnez-moi) quelques jours, que je m'y remette sérieusement.
'tain de boulot qui me bouffe.
Ah broucouille brocouille, si tu savais comme ton goût passe...
Aller, à la plume.
Bon, déjà, t'as pas mis la dernière version, alors je mets nos amis à la bonne page.
Voici l'ultime version de la lettre au Dr Pintade. Certains éléments "cruciaux" s'éclairent d'un sens nouveau. Si si.
_________________________
Cher Dr Pintade,
Je vous écris pour solliciter votre grand pouvoir. Vous êtes mon ultime espoir.
Voici bientôt trois mois que la brocouille m’a quitté.
Après une initiation de plus de deux ans et demi, déterminé à accomplir ma « grande brocouille » afin de pouvoir moi-même commencer à initier de nouveaux adeptes, je suis venu m’échouer sur ces rivages tropicaux en quête d’une brocouille plus exigeante, plus pure, plus ardente.
Hélas, semaine après semaine, je n’en peux qu’observer les effets : je ne sais par quel maléfice je sombre entre les mains de puissances nauséabondes et pêcheresses. Semaine après semaine, un feu me dévore l’âme et la corrompt de désirs inavouables. Semaine après semaine, mon esprit se trouble d’image sacrilèges, où d’énormes poissons sont crucifiés, transpercés, empalés… Semaine après semaine, pris par des fièvres brutales, je tue de nouveaux poissons. Semaine après semaine, je perds la saveur de la brocouille, ma mémoire est affaiblie par ces drogues soudaines et répétitives.
Or, vous le savez comme moi, la brocouille n’est pas seulement cette merveilleuse force qui redonne au monde et à l’âme les couleurs de leur virginité originelle, c’est également la grande force inspiratrice, sans laquelle il ne m’est point de céhaire possible. Et, si j’en crois Saint Hilathropécrazé, le Slive (pas l’autre), dans son recueil de pensées (« Les méditations du bout du fil »), le céhaire accompagne la transfiguration de l’ascèse, en tant qu’il transmute la sublimation de la brocouille, et prolonge le non-acte dans la transcendance.
Hélas, oui, je dois le reconnaître : je perds le goût d’écrire, depuis que je mange du poisson. Et je crains que les poissons de cette mer n’aient une chair bien plus violente que ceux de vos paisibles latitudes.
Même si je ne doute pas que, par vos pouvoirs surnaturels, vous soyez en mesure de connaître mon histoire avant que je ne vous la raconte ; afin de m’aider moi-même à mieux « faire le point », je vais tenter de vous faire un bref résumé des épisodes précédents.
Voici l'ultime version de la lettre au Dr Pintade. Certains éléments "cruciaux" s'éclairent d'un sens nouveau. Si si.
_________________________
Cher Dr Pintade,
Je vous écris pour solliciter votre grand pouvoir. Vous êtes mon ultime espoir.
Voici bientôt trois mois que la brocouille m’a quitté.
Après une initiation de plus de deux ans et demi, déterminé à accomplir ma « grande brocouille » afin de pouvoir moi-même commencer à initier de nouveaux adeptes, je suis venu m’échouer sur ces rivages tropicaux en quête d’une brocouille plus exigeante, plus pure, plus ardente.
Hélas, semaine après semaine, je n’en peux qu’observer les effets : je ne sais par quel maléfice je sombre entre les mains de puissances nauséabondes et pêcheresses. Semaine après semaine, un feu me dévore l’âme et la corrompt de désirs inavouables. Semaine après semaine, mon esprit se trouble d’image sacrilèges, où d’énormes poissons sont crucifiés, transpercés, empalés… Semaine après semaine, pris par des fièvres brutales, je tue de nouveaux poissons. Semaine après semaine, je perds la saveur de la brocouille, ma mémoire est affaiblie par ces drogues soudaines et répétitives.
Or, vous le savez comme moi, la brocouille n’est pas seulement cette merveilleuse force qui redonne au monde et à l’âme les couleurs de leur virginité originelle, c’est également la grande force inspiratrice, sans laquelle il ne m’est point de céhaire possible. Et, si j’en crois Saint Hilathropécrazé, le Slive (pas l’autre), dans son recueil de pensées (« Les méditations du bout du fil »), le céhaire accompagne la transfiguration de l’ascèse, en tant qu’il transmute la sublimation de la brocouille, et prolonge le non-acte dans la transcendance.
Hélas, oui, je dois le reconnaître : je perds le goût d’écrire, depuis que je mange du poisson. Et je crains que les poissons de cette mer n’aient une chair bien plus violente que ceux de vos paisibles latitudes.
Même si je ne doute pas que, par vos pouvoirs surnaturels, vous soyez en mesure de connaître mon histoire avant que je ne vous la raconte ; afin de m’aider moi-même à mieux « faire le point », je vais tenter de vous faire un bref résumé des épisodes précédents.
Tout à commencé à l’automne. Vous vous en souvenez, même si je ne vous l’ai pas encore dit, car votre esprit est au-delà de la parole futile envolée comme un fétu après les premiers vents d’automne, et vous savez entendre ce qui n’est pas encore dit, ce qui n’a jamais été dit, ce qui ne sera jamais dit, avant même que ce ne soit dit, ou pas – donc vous vous en souvenez, à l’automne, quelques semaines seulement après mon arrivée sur cette terre austère et prometteuse, alors que je croyais encore en mes forces, je fus « happé » par l’irrésistible regard d’une carangue. Pourtant, quelques minutes auparavant, j’avais précisément réussi cette grande figure de la voltige brocouillistique : le triple marcel retourné (décrochage d’un gros spécimen avec palmes croisées et emmêlage de moulinet). Cela m’avait comme « endormi », et j’avançais confiant vers le gouffre…
En quelques secondes, alors que je croyais l’affaire bouclée (le soleil se couchait, nous étions sur le point de rentrer), alors que ma vigilance achevait de s’éteindre dans les moiteurs de la brocouille promise, au détour d’un ultime agachon, une carangue vint rouler son regard de méduse sous mon ardillon.
Une force inconnue, terrible, a soudain conduit mon bras : j’ai tiré, j’ai séché -- j’ai joui, même, en tuant ce pauvre animal avant que, d’un coup de queue, il n’ait eu le temps d’éviter le tir. Une demi-seconde après cet instant d’égarement, ma bouche s’est brutalement remplie d’une violente amertume… J’étais pris d’une confusion morbide, je ressentais dans mon ventre comme une déchirure. Mon cœur semblait sur le point d’éclater. Une puissance invisible dictait mes gestes. Je ne m’appartenais plus. Sans volonté, sans force, je me suis laissé porter par le courant jusqu’à la plage.
Sur cette photo, un grand initié comme vous verra clairement (car vous voyez au-delà des évidences et vous ne vous laissez pas tromper par les subterfuges de la littéralité du visible) la crispation de mon visage, mon abattement, et ma désolation. Mais, alors, je n’avais pas encore perdu l’espoir.
Plusieurs semaines sont passées, je repoussais désespérément le jour où – je le savais inconsciemment – il me faudrait affronter le vertige de ma damnation. J’en contenais les effets en ne prenant que de petits spécimens. Mais comment finalement ne pas voir que chaque semaine un nouveau poisson, même petit, venait encombrer mon congélateur, pourtant soigneusement vidé dès le lendemain ?
Le mois de décembre fut faste cependant : épuisé, j’avais réussi à annuler plusieurs sorties qu’une force maléfique et tentatrice me rendait néanmoins ignominieusement désirables.
Puis, vint le nouvel an. Et le pire survint.
Comme tout premier janvier, j’étais parti gaillardement accomplir ma BA [*« Brocouille Annulatoire », c’est-à-dire la brocouille du premier janvier qui annule toutes les prise de l’année passée, NDT].
La chose se présentait plutôt bien, pourtant : la mer était grosse – ce qui a toujours eu des effets très positifs, on s’en souvient, dans ma quête alchimo-brocouillante.
Malheureusement dès le deuxième agachon, à peine la jetée dépassée, je vis venir à moi une belle carangue bleue. Je tentai vainement de dévier mon tir, mais mon bras était comme glacé, roide, je ressentais même une douleur sourde dans ma main – dans mon index, plus précisément. Dans un réflexe malheureux je me crispai sur la gâchette et il était déjà trop tard lorsque j’abaissai mon fusil…la flèche, portée par des esprits pervers, avait séché l’animal…
Aux premières heures d’une année qui s’annonçait donc néfaste, je perdis tout espoir de rédemption. J’étais condamné.
Bien sûr le destin, joueur, s’amusa ensuite à me rappeler le goût des brocouilles d’antan : je fus emporté par un puissant courant du sud, et je ne parvins qu’après quarante minutes de nage acharnée, au prix de longs efforts (mal de mer, crampes, etc.), à regagner les trois cents mètres perdus pour trouver enfin refuge sur les roches délicieusement abrasives de la jetée. Un tel moment aurait dû être extatique, mais, hélas, le poisson était là, pendouillant tristement à la bouée, le regard morne et sans tendresse pour mon chagrin.
Un homme, croyant me faire plaisir, vint contempler la carangue, me féliciter, et me proposer de me prendre en photo.
Là encore, vous verrez clairement, à ma manière de la tenir à bout de bras, combien de dégoût elle m’inspire.
C’est ce jour-là que j’ai décidé d’aller rencontrer toutes sortes de guérisseurs, marabouts, rebouteux, mages, nécromanciens, etc.
Mais aucun n’a pu me comprendre…
Allez expliquer à des non-initiés que l’extase s’atteint dans la perfection de la non-réussite (ce que Saint Ture de Plomb l’oubliée distingue fort justement de l’échec dans son recueil de poèmes, le fameux « Non Rien de Rien »), dans la sublimation du non-accomplissement : lorsque l’on frôle la frontière, sans jamais la dépasser, lorsque l’âme est entièrement tendue, dans un corps-à-corps tremblant, contre la non-brocouille, pour mieux la déjouer enfin ; que nous parvenons à ne pas chuter dans la pitoyable vulgarité de faire du poisson lorsqu’il y en a ; lorsque, yeux dans les yeux, nous tutoyons notre propre chute, pour nous relever finalement plus grands, plus forts, plus intensément libres de toute corruption ?
Brocouiller, nous rappelle Saint Deldemèr de Sécupaslevée dans « Je t’aurai, moi non plus », c’est être à l’agachon de la non-jouissance d’un plaisir trop facile, pour entrer dans l’ultime non-consomption du désir transbahuté par la déflagration du non-être qu’un contact avec l’absolu du néant révèle à la conscience sublimée de l’ascète qui entre alors en extase, avant de se transformer enfin en petit lapin rose – forme ultime de la métempsychose brocouillistique.
Et ces pauvres profanes n’ont su me recommander que de vulgaires remèdes : pattes d’huîtres séchées à mettre sous la combinaison, poils de poulpes noués autour de la gâchette, soupes à la cervelle de jet-skieur, décoction de dvd de chasse amateurs (on me prescrivait surtout ceux où la caméra bouge tout le temps, où l’on ne voit que des saupes et des algues et où le montage est coupé dès que le gros poisson arrive), bref, que du basique.
J’ai bien vite abandonné ces recettes de grands-mères. Après une certaine et très récente sortie.
En quelques secondes, alors que je croyais l’affaire bouclée (le soleil se couchait, nous étions sur le point de rentrer), alors que ma vigilance achevait de s’éteindre dans les moiteurs de la brocouille promise, au détour d’un ultime agachon, une carangue vint rouler son regard de méduse sous mon ardillon.
Une force inconnue, terrible, a soudain conduit mon bras : j’ai tiré, j’ai séché -- j’ai joui, même, en tuant ce pauvre animal avant que, d’un coup de queue, il n’ait eu le temps d’éviter le tir. Une demi-seconde après cet instant d’égarement, ma bouche s’est brutalement remplie d’une violente amertume… J’étais pris d’une confusion morbide, je ressentais dans mon ventre comme une déchirure. Mon cœur semblait sur le point d’éclater. Une puissance invisible dictait mes gestes. Je ne m’appartenais plus. Sans volonté, sans force, je me suis laissé porter par le courant jusqu’à la plage.
Sur cette photo, un grand initié comme vous verra clairement (car vous voyez au-delà des évidences et vous ne vous laissez pas tromper par les subterfuges de la littéralité du visible) la crispation de mon visage, mon abattement, et ma désolation. Mais, alors, je n’avais pas encore perdu l’espoir.
Plusieurs semaines sont passées, je repoussais désespérément le jour où – je le savais inconsciemment – il me faudrait affronter le vertige de ma damnation. J’en contenais les effets en ne prenant que de petits spécimens. Mais comment finalement ne pas voir que chaque semaine un nouveau poisson, même petit, venait encombrer mon congélateur, pourtant soigneusement vidé dès le lendemain ?
Le mois de décembre fut faste cependant : épuisé, j’avais réussi à annuler plusieurs sorties qu’une force maléfique et tentatrice me rendait néanmoins ignominieusement désirables.
Puis, vint le nouvel an. Et le pire survint.
Comme tout premier janvier, j’étais parti gaillardement accomplir ma BA [*« Brocouille Annulatoire », c’est-à-dire la brocouille du premier janvier qui annule toutes les prise de l’année passée, NDT].
La chose se présentait plutôt bien, pourtant : la mer était grosse – ce qui a toujours eu des effets très positifs, on s’en souvient, dans ma quête alchimo-brocouillante.
Malheureusement dès le deuxième agachon, à peine la jetée dépassée, je vis venir à moi une belle carangue bleue. Je tentai vainement de dévier mon tir, mais mon bras était comme glacé, roide, je ressentais même une douleur sourde dans ma main – dans mon index, plus précisément. Dans un réflexe malheureux je me crispai sur la gâchette et il était déjà trop tard lorsque j’abaissai mon fusil…la flèche, portée par des esprits pervers, avait séché l’animal…
Aux premières heures d’une année qui s’annonçait donc néfaste, je perdis tout espoir de rédemption. J’étais condamné.
Bien sûr le destin, joueur, s’amusa ensuite à me rappeler le goût des brocouilles d’antan : je fus emporté par un puissant courant du sud, et je ne parvins qu’après quarante minutes de nage acharnée, au prix de longs efforts (mal de mer, crampes, etc.), à regagner les trois cents mètres perdus pour trouver enfin refuge sur les roches délicieusement abrasives de la jetée. Un tel moment aurait dû être extatique, mais, hélas, le poisson était là, pendouillant tristement à la bouée, le regard morne et sans tendresse pour mon chagrin.
Un homme, croyant me faire plaisir, vint contempler la carangue, me féliciter, et me proposer de me prendre en photo.
Là encore, vous verrez clairement, à ma manière de la tenir à bout de bras, combien de dégoût elle m’inspire.
C’est ce jour-là que j’ai décidé d’aller rencontrer toutes sortes de guérisseurs, marabouts, rebouteux, mages, nécromanciens, etc.
Mais aucun n’a pu me comprendre…
Allez expliquer à des non-initiés que l’extase s’atteint dans la perfection de la non-réussite (ce que Saint Ture de Plomb l’oubliée distingue fort justement de l’échec dans son recueil de poèmes, le fameux « Non Rien de Rien »), dans la sublimation du non-accomplissement : lorsque l’on frôle la frontière, sans jamais la dépasser, lorsque l’âme est entièrement tendue, dans un corps-à-corps tremblant, contre la non-brocouille, pour mieux la déjouer enfin ; que nous parvenons à ne pas chuter dans la pitoyable vulgarité de faire du poisson lorsqu’il y en a ; lorsque, yeux dans les yeux, nous tutoyons notre propre chute, pour nous relever finalement plus grands, plus forts, plus intensément libres de toute corruption ?
Brocouiller, nous rappelle Saint Deldemèr de Sécupaslevée dans « Je t’aurai, moi non plus », c’est être à l’agachon de la non-jouissance d’un plaisir trop facile, pour entrer dans l’ultime non-consomption du désir transbahuté par la déflagration du non-être qu’un contact avec l’absolu du néant révèle à la conscience sublimée de l’ascète qui entre alors en extase, avant de se transformer enfin en petit lapin rose – forme ultime de la métempsychose brocouillistique.
Et ces pauvres profanes n’ont su me recommander que de vulgaires remèdes : pattes d’huîtres séchées à mettre sous la combinaison, poils de poulpes noués autour de la gâchette, soupes à la cervelle de jet-skieur, décoction de dvd de chasse amateurs (on me prescrivait surtout ceux où la caméra bouge tout le temps, où l’on ne voit que des saupes et des algues et où le montage est coupé dès que le gros poisson arrive), bref, que du basique.
J’ai bien vite abandonné ces recettes de grands-mères. Après une certaine et très récente sortie.
- Didier_Alpes_Maritimes
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Pourquoi m’étendre sur des événements dont le souvenir seul suffit à me remplir de désespoir ?
Faisons vite, abrégeons nos peines.
J’avais fait la connaissance de J.
Chasseur de haut niveau, sympathique, passionné.
Il m’a emmené au sud, un jour de janvier, vers des territoires vierges.
Et voici le résultat.
On ressent bien sur ces images l’ambiance glauque qui régnait.
Je n’ai rien pu faire : il a pris une carangue de 10kg, un najil (mérou) de 7kg, et, encore une fois, contaminé pas l’atmosphère tragique de ce jour j’ai, dans l’aveuglement de ma volonté, tué une carangue bleue de 3kg… Comment n’avouerais-je pas le plaisir coupable, la jouissance honteuse, que m’ont procuré ces instants qu’à personne d’autre qu’à vous je n’ai osé confesser ? D’où me viennent ces exaltations démoniaques ?
Il m’arrive souvent de sentir en moi un puissant et fugace désir de prendre du poisson. Bien sûr je réprime ces pulsions trop animales, j’essaye de m’élever vers davantage de pureté, mais comment ? comment y parviendrais-je, alors que me voilà déjà souillé par tant d’écailles et de viscères de poissons écrasées sous mes gants – ces mêmes gants qui, jadis, furent témoins de mes plus célèbres exploits brocouillifiques ?
Il est sans doute trop tard, je le sens bien. Je ne sais la raison de tant de peines, et tant de peines m’arrachent la raison. Quel crime ai-je donc commis pour mériter une si lente agonie ?
Quelle est cette succube sans visage qui me ronge comme une braise, en commençant par le cœur ? Ah ! Malheur ! Ma foi est ébranlée !
Je vous le dis enfin, Maître : je songe parfois – oh qu’il m’en coûte de l’écrire ! –, je songe, oui, dans mes instants les plus troubles, je songe à me convertir. Oh ! bien sûr, il ne s’agit (encore) que d’une sorte d’incontinence de ma vertu, la lecture de quelques pages de la traduction en verlan par le Comte Guillaume de Sheuflay-Dortu de la thèse sur l’alpinisme belge écrite par Sir George Mac Elkon-Semixer en 1897 suffit à me remettre dans le droit chemin des élévations morales et des sommets de pureté. Mais pour combien de temps encore ?
Si je n’ai plus d’espoir, il me reste le droit de tout tenter. C’est pourquoi, dans un spasme ultime de ma raison, je viens à vous, Dr Pintade. Vous seul pouvez peut-être encore m’aider à affronter les offenses d’un malheur dont je ne connais encore ni la cause, ni même le nom.
Désespérément vôtre,
Rataxès
Faisons vite, abrégeons nos peines.
J’avais fait la connaissance de J.
Chasseur de haut niveau, sympathique, passionné.
Il m’a emmené au sud, un jour de janvier, vers des territoires vierges.
Et voici le résultat.
On ressent bien sur ces images l’ambiance glauque qui régnait.
Je n’ai rien pu faire : il a pris une carangue de 10kg, un najil (mérou) de 7kg, et, encore une fois, contaminé pas l’atmosphère tragique de ce jour j’ai, dans l’aveuglement de ma volonté, tué une carangue bleue de 3kg… Comment n’avouerais-je pas le plaisir coupable, la jouissance honteuse, que m’ont procuré ces instants qu’à personne d’autre qu’à vous je n’ai osé confesser ? D’où me viennent ces exaltations démoniaques ?
Il m’arrive souvent de sentir en moi un puissant et fugace désir de prendre du poisson. Bien sûr je réprime ces pulsions trop animales, j’essaye de m’élever vers davantage de pureté, mais comment ? comment y parviendrais-je, alors que me voilà déjà souillé par tant d’écailles et de viscères de poissons écrasées sous mes gants – ces mêmes gants qui, jadis, furent témoins de mes plus célèbres exploits brocouillifiques ?
Il est sans doute trop tard, je le sens bien. Je ne sais la raison de tant de peines, et tant de peines m’arrachent la raison. Quel crime ai-je donc commis pour mériter une si lente agonie ?
Quelle est cette succube sans visage qui me ronge comme une braise, en commençant par le cœur ? Ah ! Malheur ! Ma foi est ébranlée !
Je vous le dis enfin, Maître : je songe parfois – oh qu’il m’en coûte de l’écrire ! –, je songe, oui, dans mes instants les plus troubles, je songe à me convertir. Oh ! bien sûr, il ne s’agit (encore) que d’une sorte d’incontinence de ma vertu, la lecture de quelques pages de la traduction en verlan par le Comte Guillaume de Sheuflay-Dortu de la thèse sur l’alpinisme belge écrite par Sir George Mac Elkon-Semixer en 1897 suffit à me remettre dans le droit chemin des élévations morales et des sommets de pureté. Mais pour combien de temps encore ?
Si je n’ai plus d’espoir, il me reste le droit de tout tenter. C’est pourquoi, dans un spasme ultime de ma raison, je viens à vous, Dr Pintade. Vous seul pouvez peut-être encore m’aider à affronter les offenses d’un malheur dont je ne connais encore ni la cause, ni même le nom.
Désespérément vôtre,
Rataxès